lundi 20 octobre 2008

The Bookseller of Kabul


Le plus célèbre des livres sur l’Afghanistan, , est sans aucun doute « Le libraire de Kaboul », de la journaliste norvégienne Asne Seierstad. C’est l’histoire de sa rencontre avec un libraire afghan, Sultan Khan, qui l’a invitée à vivre dans sa famille pour plusieurs mois à la suite du régime des Talibans (2001). Ce récit de vie afghane a rencontré un franc succès en Norvège et le livre est devenu meilleure vente, avant d’être publié dans plus de 20 pays. C’est là que commença la controverse de cette chronique saisissante.

Sultan Khan est un nom d’emprunt pour le Shah Mohammed Rais, un commerçant de Kaboul, plusieurs fois emprisonné, pillé, menacé, qui a réussi à faire fortune dans un pays où les trois quarts des habitants sont analphabètes...en vendant des livres. Homme cultivé, épris de poésie, Sultan est aussi le chef despotique d'un clan nombreux qui habite sous son toit. Ses deux épouses, leurs enfants, sa mère, ses frères et sœurs: tous dépendent de lui, devant obtenir son autorisation pour travailler, étudier ou se marier.

Il réagit brutalement lorsqu’on lui remet une copie du livre de Seierstad : il se déclare outré et dénonce le comportement de l’auteur, qui aurait abusé de son hospitalité en révélant des secrets de famille calomnieux. Pire encore, les allégations concernant les femmes de sa famille, qui auraient eu des aventures amoureuses, ont déshonoré le clan.

Les critiques occidentaux émettent également des doutes sur l’authenticité des caractères et des personnages puisque l’auteur en a finalement rencontré que très peu, et surtout ne maîtrisait pas le dari ; Seierstad elle-même n’apparaît nulle part dans le livre. Rais, ou encore Sultan Khan, a engagé à plusieurs reprises des poursuites judiciaires tandis que sa femme demandait le droit d’asile à la Suède, puisque le livre aurait mis la vie de sa famille en danger. Pour sa part, Seierstad a regretté ouvertement de ne pas avoir consulté Rais pour décider de la forme à donner au roman.

1 commentaire:

  1. Extrait :
    Le désir d’amour d’une femme est tabou en Afghanistan. Il est interdit aussi bien par le stric code de l’honneur des clans que par les mollahs. Les jeunes gens ne peuvent prétendre à aucun droit de se rencontrer, de s’aimer, de choisir. L’amour a peu à coir avec la romance, qui bien au contraire peut constituer un crime grave, puni de mort. Les indisciplinés sont assassinés de sang-froid. Quand un seul des deux subit la peine de mort, c’est toujours, sans exception, la femme.
    Les jeunes femmes sont avant tout un objet d’échange ou de vente. Le mariage est un contrat conclu entre les familles ou au sein des familles. Son utilité pour le clan est un facteur décisif – les sentiments entrent rarement en ligne de compte. Depuis des siècles, les femmes afghanes doivent composer avec l’injustice dont elles sont victimes. Il existe cependant des témoignages de femmes sous forme de chants et de poésies. Il s’agit de chansons qui ne sont pas censées être entendues et leur écho se limite aux montagnes ou au désert.
    Elles protestent par « le suicide ou le chant », écrit le poète afghan Sayd Bahodine Majrouh dans un livre sur la poésie des femmes pachtounes. Avec l’aide de sa belle-sœur, il a rassemblé ces poèmes. Majrouh a été assassiné par des fondamentalistes à Peshawar en 1988. Ces poèmes et comptines appartiennent à la tradition populaire et sont transmis près du puits, en route pour le champ, au four. Ils évoquent les amours interdites, où l’amant, sans exception, est un autre que le mari, et la haine envers ce mari souvent beaucoup plus âgé. Ils expriment aussi la fierté d’être femmes et le courage dont elles font preuve. Ces poèmes sont appelés landays, ce qui signifie « le bref ». Limités à quelques vers et rythmés, comma « un cri, une fureur, un coup de dague » écrit Majouh.
    Gens cruels, vous voyez qu’un vieillard m’entraîne vers sa couche
    Et demandez pourquoi je pleure et m’arrache les cheveux !
    Ô mon Dieu ! tu m’envoies de nouveau la nuit sombre
    Et de nouveau je tremble de la tête aux pieds, car je dois monter dans le lit que je hais.
    Cependant, les femmes, dans ces poèmes, savent aussi être révoltées, elles risquent leur vie par amour, dans une société où la passion est interdite et le châtiment impitoyable.
    (…)
    La plupart de ces cris évoquent la déception et une existence non vécue. Une femme prie Dieu que dans sa prochaine vie elle soit pierre plutôt que femme. Pas un de ces poèmes n’aborde le thème de l’espoir. Au contraire, le désespoir règne. Le fait que ces femmes n’ont pas assez vécu, qu’elles n’ont pas obtenu assez de leur beauté, de leur jeunesse, qu’elles n’ont pas suffisamment connu les joies de l’amour.
    (…)
    Ces poèmes sont aussi très suaves. Avec une « brutale sincérité », la femme glorifie « son corps, l’amour charnel et le fruit défendu » – comme si elle souhaitait choquer les hommes, « les provoquer dans leur virilité » (pages 60 à 64).

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