Tous aussi nombreux que les Pashtouns, les Tadjiks, ethnie autochtone de la plus grande part du pays, étaient encore majoritaires dans l’ouest, le Nord-est et à Kaboul, bien que politiquement subjugués. Leur langue et leur civilisation imprégnaient toujours la culture commune de l’Afghanistan. Les Tadjiks sont en réalité des Iraniens d’Asie centrale. Ils se distinguent de leurs cousins d’Iran proprement dit par leur appartenance a la branche sunnite ou orthodoxe de l’Islam, et leur accent persan demeure archaïque. Cette langue persane, indo-européenne mais fortement arabisée, fut l’idiome culturel de l’Asie musulmane du 11e au 19e siècle, de Delhi à Istanbul, de Sarmacande à Madras. Sa situation par rapport à l’arabe dans l’islam d’Orient fut à peu près analogue à celle du français vis-à-vis du latin dans les cours européennes de l’Ancien régime : le persan devint par excellence la langue des belles lettres et de la diplomatie, l’arabe liturgique fut réservé aux philosophes et théologiens. Tout en conservant la réalité du pouvoir, les Pashtouns de Kaboul considéraient comme des béotiens les Afghans de la campagne incapables de s’exprimer en persan.
Michael Barry